Dispute conjugale

Publié le par pandora

Encore un texte aujourd'hui... un texte pour les jours où il fait triste:


Il n'en peut plus ce soir, ils se sont encore disputés, Sophie a encore crié et jeté par terre tout ce qu'elle pouvait trouver qui fît du bruit... et qui puisse lui faire de la peine. Ces scènes durent maintenant depuis quelques semaines mais elle trouve encore des choses qui lui sont chères.


Ce soir elle a cassé la pendule qu'il tient de sa grand-mère, pendule qui avait pourtant survécu à la deuxième guerre mondiale, cachée par les voisins quand ses grands parents ont été déportés en un funeste jour de mai 1941. Elle leur avait été rendue par ces mêmes voisins à leur retour 4 ans plus tard, enfin plus exactement quand sa grand-mère était revenue. 
Et sa connasse de femme n'avait rien trouvé de mieux que de jeter une bouteille dans le cadran (une bouteille de bon bordeaux en plus, à peine commencée). La bouteille  a explosé, le verre du cadran s'est fêlé et le vin a giclé partout, maculant les murs de trainées rouges dégoulinantes. Et la pendule s'est arrêtée, comme sa grand mère s'est éteinte il y a maintenant onze ans. Est-ce que cela explique ce qu'il a fait? Non probablement pas...


Il n'avait pas réagi quand elle avait cassé le service de table en porcelaine que lui avaient acheté ses parents pour leur mariage, ni quand elle avait écrasé la montre de poignet que son père lui avait offert quand il avait eu son diplôme d'ingénieur, il aurait probablement dû le faire plus tôt. Il n’aurait jamais dû laisser cette violence s’installer, cette violence le contaminer.


Ce soir il ne sait pas ce qu'il lui a pris mais cette fois il n'a pas pu s'empêcher de réagir. Cette fois l’homme calme et posé qu’il croyait être s’est transformé en un être qu’il ne connaissait pas, en une chose qui n’avait plus rien d’humaine, en une bête qu’il ne contrôlait plus.

Mais il est trop tard pour les remords, il regrette simplement de ne pas avoir réagi avant.


Il parcoure des yeux les étagères de l'armoire à pharmacie de la salle de bain pour y chercher de quoi oublier ce qu’il a fait et de quoi dormir, enfin.


Il ne dort plus depuis quelques semaines, depuis qu'elle a trouvé dans son portefeuille une photo de l'Autre. Quelle idée aussi de la garder sur lui : une nuit de plaisir, une photo et des semaines de malheur... car cette Autre, Sophie n'était pas prête à l'oublier. Elle le lui avait bien fait comprendre ce soir là, en cassant le cadre photo où ils sont encore jeunes et beaux en tenue de mariés, et posent dans un champ de fleurs jaunes. En brisant ces moments pas si lointains où ils étaient encore heureux. Mais qui les avait brisés ?


Quel gâchis...


Il fouille l'étagère mais n'y trouve pas ce qu'il cherche, il sait pourtant que Sophie a vu son médecin après avoir trouvé la photo et qu'il lui a prescrit des médicaments pour la dépression :

« Tu m'as rendue folle et maintenant je dois prendre des pilules pour me soigner, j'espère que tu es fier de toi? »

Il croit se rappeler que c'est à ce moment-là qu'elle a cassé la télécommande en la fracassant au sol, parce qu'il ne lui répondait pas et continuait à regarder le film du dimanche soir, elle aurait d'ailleurs aussi cassé le téléviseur s'il n'avait pas réussi à s'interposer avant.

«  Des médicaments pour voir la vie en rose, et toi tu ne quittes même pas ton film des yeux, toi cette histoire ne te perturbe absolument pas, pas vrai? »

Qu'aurait-il bien pu lui répondre qui l'aurait calmée? Qu’aurait-il donc pu bien faire, en dehors de se confondre en excuses et en bouquets de fleurs, de se maudire de son instant d’égarement quand il a gardé la photo comme un trophée…. Et de cet instant d’égarement quand il a succombé à cette belle blonde qui ne demandait que cela. Qu’aurait-il donc pu bien faire d’autre ?

Aujourd'hui encore il ne le sait pas, alors oui, il avait préféré continuer à regarder son film (bien que n'en entendant plus les dialogues sous les vociférations de son épouse)


Il enjambe le corps de Sophie et va fouiller dans les tiroirs de la cuisine où il tombe enfin sur une boite d'antidépresseurs, la pilule du bonheur comme l'avaient surnommée les médias; il en trouve même une deuxième boite non entamée.

Une boite et demie, peut-être arrivera-t-il enfin à voir la vie en rose lui aussi...

 

Si vous avez aimé ce texte, j'ai écrit une suite ici

Publié dans textes

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L
Et on sait tous que ça arrive...et que ça se termine parfois très mal...très bien écrit...bises bonne soirée...
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P
Merci à vous, même si heureusement cette scène est caricaturale ;-)
O
quelle tension...la folie à deux..!quand on n'est plus seulement deux.scène en technicolor!
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L
cette version est effectivement beaucoup plus claire et plus explicite pour Sophie.
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