Petite laine
Encore un texte pour les impromptus littéraires...
A peine arrivée chez sa grand-mère que la petite veut déjà ressortir pour rejoindre ses amies, une vraie étoile filante. Tout juste si elle prend le temps d’enfiler une petite laine et la voilà partie. La vieille Eugénie ne marche plus très vite, son arthrose la faisant boiter quand le temps est à la neige, comme aujourd’hui. Quand elle arrive sur le perron, la petite est déjà en train de s’éloigner, sa natte ondulant au rythme rapide de sa course. Elle n’aperçoit bientôt plus que le rouge de son gilet, éclatant sur le blanc de la neige fraiche, devenir un point de plus en plus petit.
La petite est partie vers le Mont Bleu, pour une série de descentes en « luge poubelle », comme ses amies les appellent. Assises sur un sac poubelle noir, elles vont dévaler pendant toute l’après-midi les pentes de la colline. La petite reviendra un peu avant la nuit, annoncée par des cascades de rires, les joues et le nez tout rosis d’avoir joué dehors.
Mais elle sait bien que sa petite fille n’attrapera pas la mort malgré ce froid hivernal, car elle est bien au chaud dans sa petite laine. Ce gilet rouge qu’elle lui a tricoté de ses mains déformées par l’arthrose en grosses mailles de point mousse. Ca lui fait tellement plaisir de faire ça pour la petite. Et ça occupe les longues semaines où elle ne la voit plus, ces interminables soirées. Parce que depuis que son fils a déménagé dans la capitale, elle se sent très seule.
Ce que la vieille Eugénie ne sait pas, c’est que sa petite fille grandit et que les « petites laines » ne se portent plus tellement à la ville. La petite sera bientôt une adolescente qui préfère porter des marques comme les autres filles de son école. Mais ici, dans le village de sa grand-mère où elle passe quelques jours avec ses amies d’enfance, elle est heureuse de porter le gilet rouge tricoté main. Parce que cela tient bien chaud et que cela fait plaisir à sa mamie chérie.