Le corps de l'écrivain
Un vieux texte écrit cet été pour les impromptus (et après il faudrait vraiment que je me remette à écrire...)
Le corps de l’écrivain était dans la bibliothèque, le vert de son habit d’apparat tranchant sur le rouge du tapis persan. La pièce grouillait de monde et Lagarde et Michard avaient commencé à enquêter. Ils mouraient de faim alors on m’avait dépêché avec des sandwichs. Impressionné par le faste de l’endroit, j’attendais, sans oser approcher. C’est alors que Lagarde me remarqua, planté droit comme un I dans le couloir. Il m’apostropha :
- Mais qu’est-ce t’attends pour entrer ? Tu vas attraper une crampe !
- La crampe de l’écrivain !
Et ils éclatèrent de rire. Lagarde et Michard, ce sont les deux comiques du service. Moi, je n’ai jamais aimé les jeux de mots, même pas sur les emballages de carambars.
- Qu’est-ce que tu nous as ramené comme sandwichs ? Pas à la viande froide j’espère !
Celle-là ne me faisait plus réagir, à force de l’entendre…
- T’as intérêt à ce qu’ils soient aussi exquis que le cadavre.
Et les duettistes de recommencer à glousser. Heureusement qu’ils étaient meilleurs enquêteurs qu’humoristes. Je leur donnai leur sandwich et je repartis aussi sec sans attendre la fin de leur numéro.
Il faut me comprendre, les livres et moi, on n’a jamais été copains. D’ailleurs le seul que j’ai à la maison, c’est le botin. Je préfère les revues où les photos sont suffisamment explicites pour se passer de commentaire. Mes amis disent que je suis un homme de lettres, mais d’une seule : le X.
Alors qui aurait cru qu’un gars comme moi entrerait un jour à l’Académie française ? Pas moi en tout cas ! Et encore moins mes profs de français qui devaient se retourner dans leur tombe, eux qui répétaient que les seuls mots dont j’étais amoureux, c’était les gros mots.
Cela dit, un immortel qui passe l’arme à gauche, c’est tout de même une sacrée faute professionnelle pour quelqu’un qui écrit les définitions dans le dictionnaire :
"Immortel, -elle : Qui n’est pas sujet à la mort"
Comme quoi, faut jamais jurer de rien. Même les académiciens font des erreurs.
Celle-ci fut fatale.